L’Artifice

Cavalier d'Arpin / Giovanni Guerra.

1613
la bibliothèque de l’État de Bavière

Artifice

XIII

extrait de l’adaptation française de L’iconologia de Cesare Ripa (1555-1622),
publié en 1643 par Jean Baudoin (1590?-1650)

Sa Peinture est celle d’un homme de beau visage, & l’habillement duquel est fermé d’une riche broderie. Il tient la main droite appuyée sur une vis sans fin, & de la droite il montre une ruche pleine de mouche à miel, dont les unes s’attachent au dessus, & les autres s’enroulent.

Il est vêtu noblement & artificiellement, parce que l’Art est si noble de foi, qu’on le peut nommer une seconde Nature.

Il s’appuie de la main droite sur une vis, pour montrer que l’industrie humaine a inventé des machines, & des instrument par l’aide desquels on peut sans aucun effort faire des choses qui ne semblent pas croyables. C’est pour cela qu’en un vers qu’Aristote a pris plaisir de citer en ses Mécaniques, le Poète Antiphon nous enseigne, par le moyen de l’Art, nous venons à bout quelquefois de certaines entreprises, qui semblent directement opposées à la nature de la chose même à laquelle nous travaillons. Ce que nous aurions sujet de mettre en doute, si pour le prouver nous n’avions l’expérience, qui nous fait voir qu’en nos bâtiments ordinaires, il serait comme impossible d’enlever les plus grosses pierres, sans la
Machine vulgairement appelée Grue.

Par la Ruche qu’il montre, qui est pleine de mouches à miel, nous est declarée leur merveilleuse industrie, qui fait dire au plus sage de tous les hommes ; Va-t’en à l’abeille, qui t’apprendra combien elle est diligente & laborieuse en son ouvrage ; & au Prince des Poètes Latins, ces merveilleux Animaux, quelques petits qu’ils soient, ne laissent pas d’être grands en leur conduite, comme leurs chefs, leurs ordres, leur police, & leur économie, d’où se forme entre eux une manière de Royauté.