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Sainte Marie-Magdeleine extrait de La Légende dorée de Jacques de Voragine, 1266, traduction de l’abbé J.-B. M. Roze, 1902 […] Cependant la bienheureuse Marie-Magdeleine, qui aspirait ardemment se livrer à la contemplation dés choses supérieures, se retira dans un désert affreux où elle resta inconnue l’espace de trente ans, dans un endroit préparé par les mains des anges. Or, dans ce lieu, il n’y avait aucune ressource, ni cours d’eau, ni arbres, ni herbe, afin qu’il restât évident que notre Rédempteur avait disposé de la rassasier; non pas de nourritures terrestres, mais seulement des mets du ciel. Or, chaque jour, à l’instant des sept heures canoniales; elle était enlevée par les anges au ciel et elle y entendait, même des oreilles du corps, les concerts charmants des chœurs célestes. Il en résultait que, rassasiée chaque jour à cette table succulente, et ramenée par les mêmes anges aux lieux qu’elle habitait, elle n’éprouvait pas le moindre besoin d’user d’aliments corporels. Un prêtre, qui désirait mener une vie solitaire, plaça sa cellule dans un endroit voisin de douze stades de celle de Marie-Magdeleine. Un jour donc, le Seigneur ouvrit les yeux de ce prêtre qui put voir clairement comment les anges descendaient dans le lieu où demeurait la bienheureuse Marie, la soulevaient dans les airs et la rapportaient une heure après dans le même lieu, en chantant les louanges du Seigneur. Alors le prêtre, voulant s’assurer de la réalité de cette vision; après s’être recommandé parla prière à son créateur, se dirigea avec dévotion et courage vers cet endroit . il n’en était éloigné que d’un jet e pierre, quand, ses jambes commencèrent à fléchir, une crainte violente le saisit et lui ôta la respiration : s’il revenait en. arrière, ses jambes et ses pieds reprenaient des forces pour marcher, mais s’il rebroussait chemin pour tenter de s’approcher du lieu en question, autant de fois la lassitude s’emparait de son corps, et son esprit s’engourdissait. L’homme de Dieu comprit donc qu’il y avait là un secret du ciel auquel l’esprit humain ne pouvait atteindre. Après avoir invoqué le nom du Sauveur il s’écria : « Je t’adjure par le Seigneur, que si tu es un homme ou bien une créature raisonnable habitant cette, caverne, tu me répondes et tu me dises la vérité. « Et quand il eut répété, ces mots par trois fois, la bienheureuse Marie-Magdeleine lui répondit : « Approchez plus près, et vous pourrez connaître la vérité de tout ce que votre âme désire. » Quand il se fut approché tout tremblant jusqu’au milieu de la voie à parcourir, elle lui dit : « Vous souvenez-vous qu’il est question, dans l’Évangile, de Marie, cette fameuse pécheresse, qui lava de ses larmes les pieds du Sauveur, et les essuya de ses cheveux, ensuite mérita le pardon de ses fautes? » Le prêtre lui répondit : « Je m’en. souviens; et depuis plus de trente ans la sainte église croit et confesse ce fait. » — « C’est moi, dit-elle, qui suis cette femme. J’ai demeuré inconnue aux hommes l’espace de trente ans, et comme il vous a été accordé de le voir hier, chaque jour, je suis enlevée au ciel par les mains des anges, et j’ai eu le bonheur d’entendre des oreilles du corps les admirables concerts des chœurs célestes, sept fois par chaque jour. Or, puisqu’il m’a été révélé par le Seigneur que je dois sortir de ce monde, allez trouver le bienheureux Maximin, et dites-lui que, le jour de Pâques prochain, à l’heure qu’il a coutume de se lever pour aller à matines, il entre seul dans son oratoire et qu’il m’y trouvera transportée par le ministère des anges. » Le prêtre entendait sa voix, comme on aurait dit de celle d’un ange, mais il ne voyait personne. Il se hâta donc d’aller trouver saint Maximin, et lui raconta tous ces détails. Saint Maximin, rempli d’une grande : joie, rendit alors au Sauveur d’immenses actions de grâce, et au jour et à l’heure qu’il lui avait été dit, en entrant dans son oratoire, il voit la bienheureuse Marie-Magdeleine debout dans le choeur, au milieu des anges qui l’avaient amenée. Elle était de deux coudées au-dessus de terre, debout au milieu des anges et priant Dieu, les mains étendues. Or, comme le bienheureux Maximin tremblait d’approcher auprès d’elle, Marie dit en se tournant vers lui : « Approchez plus près ; ne fuyez pas votre fille, mon père. » En s’approchant, selon qu’on le lit dans les livres de saint Maximin lui-même, il vit que le visage de la sainte rayonnait de telle sorte par les continuelles et longues communications avec les anges, que les rayons du soleil étaient moins éblouissants que sa face. Maximin convoqua tout le clergé et le prêtre dont il vient d’être parlé. Marie-Magdeleine reçut le corps et le sang du Seigneur des mains de l’évêque, avec une grande abondance de larmes. S’étant ensuite prosternée devant la base de l’autel, sa très sainte âme passa au Seigneur après qu’elle fut sortie de son corps, une odeur si suave se répandit dans le lieu même, que pendant près de sept jours, ceux qui entraient dans l’oratoire la ressentaient. Le bienheureux Maximin embauma le très saint corps avec différents aromates, l’ensevelit, et ordonna qu’on l’ensevelit lui-même auprès d’elle après sa mort. Hégésippe, ou bien Joseph, selon d’autres, est assez d’accord avec cette histoire. Il dit, en effet, dans son traité, que Marie-Magdeleine, après l’ascension du Seigneur, poussée par son amour envers J.-C. et par l’ennui qu’elle en avait, ne voulait plus jamais voir face d’homme; mais que dans la suite elle vint au territoire d’Aix, s’en alla dans un désert où elle resta : inconnue l’espace de trente ans, et, d’après son récit chaque jour, elle était transportée dans le ciel pour les sept heures canoniales. Il ajoute cependant qu’un prêtre, étant venu chez elle, la trouva enfermée dans sa cellule. Il lui donna un vêtement sur la demande qu’elle lui en fit. Elle s’en revêtit, alla avec le prêtre à l’église où après avoir reçu la communion, elle éleva, les mains pour prier et mourut en paix vis-à-vis l’autel. — Du temps de Charlemagne, c’est-à-dire, l’an du Seigneur 769, Gyrard, duc de Bourgogne, ne pouvant avoir de fils de son épouse, faisait de grandes largesses aux pauvres, et construisait beaucoup d’églises et de monastères. Ayant donc fait bâtir l’abbaye de Vézelay, il envoya, de concert avec l’abbé de ce monastère, un moine avec une suite convenable, à la ville d’Aix, pour en rapporter, s’il était possible, les reliques de sainte Marie-Madeleine. Ce moine arrivé à Aix trouva la ville ruinée de fond en comble par les païens; le hasard, lui fit découvrir un sépulcre dont les sculptures en marbre lui prouvèrent que le corps de sainte Marie-Magdeleine était renfermé dans l’intérieur; en effet l’histoire de la sainte était sculptée avec un art merveilleux sur le tombeau. Une nuit donc le moine le brisa, prit les reliques et les emporta à son hôtel. Or, cette nuit-là même, la bienheureuse Marie-Magdeleine apparut à ce moine et lui dit de n’avoir aucune crainte mais d’achever l’oeuvre qu’il avait entreprise. A son retour, il était éloigné d’une demi-lieue de son monastère, quand il devint absolument impossible de remuer les reliques, jusqu’à l’arrivée de l’abbé avec les moines qui les reçurent en procession avec grand honneur. Un soldat qui avait l’habitude de venir chaque année en pèlerinage au corps de la bienheureuse Marie-Magdeleine, fut tué dans aine bataille. On l’avait mis dans le cercueil et ses parents en pleurs se plaignaient avec confiance à sainte Magdeleine de ce qu’elle avait laissé mourir, sans qu’il eût eu le temps de se confesser et de faire pénitence, un homme qui lui avait été si dévot. Tout à coup, à la stupéfaction générale, celui qui était mort ressuscita, demanda un prêtre, et après s’être dévotement confessé et avoir reçu le viatique, il mourut en paix aussitôt. — Un navire sur lequel se trouvaient beaucoup d’hommes et de femmes fit naufrage. Mais une femme enceinte, se voyant en danger de périr dans la mer, invoquait, autant qu’il était en son pouvoir, sainte Magdeleine, et faisait vœu que si, grâce à ses mérites elle échappait au naufrage et mettait un fils au monde, elle le dédierait à son monastère. A l’instant, une femme d’un aspect et d’un port vénérable lui apparut, la prit par le menton, et la conduisit saine et sauveur le rivage; quand tous les autres périssaient *. Peu de temps après, elle mit au monde un fils, et accomplit fidèlement son voeu. — Il y en a qui disent que Marie-Magdeleine était fiancée à saint Jean l’évangéliste, et qu’il allait l’épouser quand J.-C. l’appela au moment de ses noces. Indignée de ce que le Seigneur lui avait enlevé son fiancé, Magdeleine s’en alla et se livra tout à fait à la volupté. Mais parce qu’il n’était pas convenable que la vocation de Jean fût pour Magdeleine une occasion de se damner, le Seigneur, dans sa miséricorde, la. convertit à la pénitence; et en l’arrachant aux plaisirs des sens, il la combla des joies spirituelles qui se trouvent dans l’amour de Dieu. Quelques-uns prétendent que si N.-S. admit saint Jean dans une intimité plus grande que les autres, ce fut parce qu’il l’arracha à l’amour de Magdeleine. Mais ce sont choses fausses et frivoles; car frère Albert, dans le prologue sur l’Evangile de saint Jean, pose en fait que cette fiancée dont saint Jean fut séparé au moment de ses noces par la vocation de J.-C., resta vierge, et s’attacha parla suite à la sainte Vierge Marie, mère de J.-C. et qu’enfin elle mourut saintement. — Un homme privé de la vue venait au monastère de Vézelay visiter le corps de sainte, Marie-Magdeleine, quand son conducteur lui dit qu’il commençait à apercevoir l’église. Alors l’aveugle s’écria à haute voix : « O sainte Marie-Magdeleine ! que ne puis-je avoir le bonheur, de voir une fois votre église ! » et à l’instant ses yeux furent ouverts. — Un homme avait écrit ses péchés sur : une feuille qu’il posa sous la nappe de l’autel de sainte Marie-Magdeleine, en la priant de lui en obtenir la rémission. Peu de temps après il reprit sa feuille et tous les péchés en avaient été effacés. — Un homme détenu en, prison pour de l’argent qu’on exigeait de lui invoquait à son secours sainte Marie-Magdeleine; et voici qu’une nuit lui apparut une femme d’une beauté remarquable qui, brisant ses chaînes et lui ouvrant la porte, lui commanda de fuir. Ce prisonnier se voyant délivré s’enfuit aussitôt. — Un clerc de Flandre, nommé Etienne, était tombé dans de si grands crimes, en s’adonnant à toutes les scélératesses, qu’il ne voulait pas plus entendre parler des choses qui regardent le salut. qu’il ne les pratiquait. Cependant il avait une grande dévotion en sainte Marie-Magdeleine ; il jeûnait ses vigiles et honorait le jour de, sa fête. Une fois qu’il visitait soit tombeau; sainte Marie-Magdeleine lui apparut; alors qu’il n’était ni tout à fait endormi, ni tout à fait éveillé; elle avait la figure d’une belle femme; ses veux étaient tristes, et elle était soutenue a droite et, à gauche par deux anges : alors elle lui dit : « Je t’en prie, Etienne, pourquoi te livres-tu à des actions indignes de moi ? Pourquoi n’es-tu pas touché des paroles pressantes que je t’adresse, de ma propre bouche? dès l’instant que tu as eu de la dévotion pour moi, j’ai toujours prié d’une manière pressante le Seigneur pour toi. Allons, courage, repens-toi, car je ne t’abandonnerai pas que tu ne sois réconcilié avec Dieu. » Et il se sentit inondé de tant de grâces que, renonçant au inonde, il entra en religion et mena une vie très parfaite. A sa mort, on vit sainte Marie-Magdeleine apparaître avec des anges auprès de son cercueil, et porter au ciel, avec des cantiques, son âme sous la forme d’une colombe.