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La nativité

extrait des Évangile Apocryphes, Protoévangile de Jacques le Mineur, chapitre XVIII-XX
traduction Gustave Brunet (1805-1896)

XVIII.

Et trouvant en cet endroit une caverne, il y fit entrer Marie, et il laissa son fils pour la garder, et il s’en alla à Bethléem chercher une sage-femme. Et lorsqu’il était en marche, il vit le pôle ou le ciel arrêté, et l’air était obscurci, et les oiseaux s’arrêtaient au milieu de leur vol. Et regardant à terre, il vit une marmite pleine de viande préparée, et des ouvriers qui étaient couchés et dont les mains étaient dans les marmites. Et, au moment de manger, ils ne mangeaient pas, et ceux qui étendaient la main, ne prenaient rien, et ceux qui voulaient porter quelque chose à leur bouche, n’y portaient rien, et tous tenaient leurs regards élevés en haut. Et les brebis étaient dispersées, elles ne marchaient point, mais elles demeuraient immobiles. Et le pasteur, élevant la main pour les frapper de son bâton, sa main restait sans s’abaisser. Et regardant du côté d’un fleuve, il vit des boucs dont la bouche touchait l’eau, mais qui ne buvaient pas, car toutes choses étaient en ce moment détournées de leur cours.

XIX.

Et voici qu’une femme descendant des montagnes, lui dit :
« Je te demande où tu vas ? »
Et Joseph répondit :
« Je cherche une sage-femme de la race des Hébreux. »
Et elle lui dit :
« Es-tu de la race d’Israël ?»
Et il répliqua que oui. Elle dit alors :
« Et quelle est cette femme qui enfante dans cette caverne ? »
Et il répondit :
« C’est celle qui m’est fiancée. »
Et elle dit :
« Elle n’est pas ton épouse ? »
Et Joseph dit :
« Ce n’est pas mon épouse, mais c’est Marie qui a été élevée dans le temple du Seigneur, et qui a conçu du Saint-Esprit »
Et la sage-femme lui dit :
« Est-ce que c’est véritable ? »
Et il dit :
« Viens-le voir. »
Et la sage-femme alla avec lui. Et elle s’arrêta quand elle fut devant la caverne. Et voici qu’une nuée lumineuse couvrait cette caverne. Et la sage-femme dit:
« Mon âme a été glorifiée aujourd’hui, car mes yeux ont vu des merveilles. »
Et tout d’un coup la caverne fut remplie d’une clarté si vive que l’œil ne pouvait la contempler, et quand cette lumière se fut peu à peu dissipée, l’on vit l’enfant Sa mère Marie lui donnait le sein. Et la sage-femme s’écria :
« Ce jour est grand pour moi, car j’ai vu un grand spectacle. »
Et elle sortit de la caverne, et Salomé fut au devant d’elle. Et la sage-femme dit à Salomé :
« J’ai de grandes merveilles à te raconter ; une vierge a engendré, et elle reste vierge. »
Et Salomé dit :
« Vive le Seigneur mon Dieu ; si je ne m’en assure pas moi-même, je ne croirai pas. »

XX.

Et la sage-femme, rentrant dans la caverne, dit à Marie :
« Couche-toi, car un grand combat t’est réservé. »
Salomé l’ayant touchée, sortit en disant :
« Malheur à moi, perfide et impie, car j’ai tenté le Dieu vivant. Et ma main brûlée d’un feu dévorant tombe et se sépare de mon bras. »
Et elle fléchit les genoux devant Dieu, et elle dit :
« Dieu de nos pères, souviens-toi de moi, car je suis de la race d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Et ne me confonds pas devant les enfants d’Israël, mais rends-moi à mes parents. Tu sais, Seigneur, qu’en ton nom j’accomplissais toutes mes cures et guérisons, et c’est de toi que je recevais une récompense. »
Et l’ange du Seigneur lui apparut et lui dit :
« Salomé, Salomé, le Seigneur t’a entendue; tends la main à l’enfant, et porte-le; il sera pour toi le salut et la joie. »
Et Salomé s’approcha de l’enfant et elle le porta dans ses bras, en disant :
« Je t’adorerai, car un grand roi est né en Israël. »
Et elle fut aussitôt guérie, et elle sortit de la caverne justifiée. Et une voix se fit entendre près d’elle, et lui dit:
« N’annonce pas les merveilles que tu as vues, jusqu’à ce que l’enfant soit entré à Jérusalem. »

 

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