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Vision de la nativité de Brigitte de Suède

extrait de Révélation céleste de sainte Brigitte de Suède de Jacques Ferraige (XVI-XVIIe siècle), livre 7 chapitre 21

Enfantement de la Sainte Vierge.
LIVRE 7 - CHAPITRE 21

Pour le jour de la Nativité. Lorsque moi, Brigitte, étais à Bethléem, je vis une Vierge enceinte, affublée d’un blanc manteau et d’une subtile et fine tunique, au travers de laquelle je voyais la chair virginale, le ventre de laquelle était grandement plein, d\'autant qu’elle était prête à enfanter. Il y avait avec elle un honnête vieillard, et tous deux avaient un bœuf et un âne ; et étant, entrées dans une caverne, le vieillard, ayant lié le bœuf et l’âne à la crèche, porta une lampe allumée à la Sainte Vierge, et la ficha en la muraille, s’écartant un peu de la Sainte Vierge pendant qu’elle enfanterait.Cette Vierge donc se déchaussa, quitta son manteau blanc, ôta le voile de sa tête et le mit auprès d’elle ; et je vis ses cheveux beaux à merveille, comme des fleurs éparpillées sur sa tunique, sur ses épaules. Elle tira lors de son sein deux draps de fin lin et deux de laine, très-blancs et très-purs, pour envelopper l’enfant ; et elle portait encore deux autres petits draps de lin pour le couvrir et lui lier la tête ; et elle les mit auprès d’elle, afin d’en user à temps et saison.

Or, toutes choses étant ainsi prêtes, la Sainte Vierge, ayant fléchi le genou, se mit avec une grande révérence en oraison ; et elle tenait le dos contre la crèche, et la face levée vers le ciel vers l’orient ; et ayant levé les mains et ayant les yeux fixés au ciel, elle était en extase, suspendue en une haute et sublime contemplation, enivrée des torrents de la divine douceur ; et étant de la sorte en oraison, je vis le petit enfant se mouvoir dans son ventre et naître en un moment, duquel il sortait un si grand et ineffable éclat de lumière que le soleil ne lui était en rien comparable, ni l’éclat de la lumière que le bon vieillard avait mise en la muraille, car la splendeur divine de cet enfant avait anéanti la clarté de la lampe ; et la manière de l\'enfantement fut si subtile et si prompte que je ne peux connaître et discerner comment et en quelle partie elle se faisait.

Je vis incontinent ce glorieux enfant, gisant à terre, nu et pur, la chair duquel était très-pure. Je vis aussi la peau secondine1 auprès de lui enveloppée et grandement pure. J’ouïs lors les chants mélodieux des anges, et soudain le ventre de la Vierge, qui était enflammé, se remit en sa naturelle consistance, et je vis son corps d’une beauté admirable, tendre et délicat.

Or, la Vierge, sentant qu’elle avait enfanté, ayant baissé la tête et joint les mains, adora l’enfant avec grande révérence et lui dit : Ô mon Dieu et mon Seigneur, soyez le très-bien venu! Et lors l’enfant, pleurant et comme tremblotant de froid et de la dureté dupavé où il gisait, s’émouvait un peu, et étendait ses bras, cherchant quelque soulagement et la faveur de la Mère. La mère le prit lors en ses bras, le serra sur son sein, et l’échauffa sur sa poitrine avec des joies indicibles et avec une tendre et maternelle compassion. Et lors s’asseyant à terre, elle le mit en son giron et prit de ses doigts son nombril, qui soudain fut coupé, d’où il ne sortit ni sang ni aucune autre chose ; et après elle l’enveloppa de petits drapeaux de lin et de laine, et avec des langes et des liens, elle serra son petit corps avec un bandeau qui était cousu en quatre lieux à la partie du drap de linge, et après, elle lui lia la tête.

Ces choses étant accomplies, le vieillard entra, et se prosternant à deux genoux, adorant l’enfant, il pleurait de joie. La Sainte Vierge ne changea point de couleur en cet enfantement ; elle ne fut point infirme, ni aussi les forces corporelles ne lui diminuèrent point comme les autres femmes ont accoutumé. Il n’y parut autre chose, sinon que les flancs se retirèrent à la première consistance en laquelle ils étaient avant qu’elle conçût. Après elle se leva, ayant son cher enfant entre les bras, et saint Joseph et elle le mirent en la crèche, et l’adorèrent à genoux avec des joies indicibles.

Même sujet que dessus.
LIVRE 7 - CHAPITRE 22

La Sainte Vierge Marie m’apparut, disant : Ma fille, il y a bien longtemps que je vous avais promis en Reine qu’en Bethléem je vous montrerais la manière de mon enfantement ; et bien que je vous en aie montré quelque chose à Naples, savoir, en quelle posture j’étais quand j’enfantai mon Fils, sachez néanmoins pour certain que je demeurai en telle manière que vous me voyez maintenant à genoux, priant seule dans l’étable, car je l’ai enfanté avec tant de joie que je ne ressentis aucune peine quand il sortit de mes flancs ; mais je l’enveloppai soudain des linges purs que j’avais préparés depuis longtemps.

Joseph, voyant cela, fut ravi d’admiration, et se réjouit grandement de savoir que j’avais enfanté sans aide. Mais d\'autant que Bethléem était occupé à raison du dénombrement qu’Auguste faisait de son peuple, néanmoins on ne divulgua point les merveilles de Dieu ; et partant, sachez que, bien qu’il y ait des hommes qui s’efforcent de

dire, selon le sens humain, que mon Fils est né par la voie commune, la vérité néanmoins est sans doute qu’il est né comme je vous ai dit autrefois et comme vous l’avez vu.

Comment les pasteurs le vinrent adorer.

LIVRE 7 - CHAPITRE 23

Je vis aussi en même lieu où la Sainte Vierge et Joseph adorèrent Jésus en la crèche, que lors les pasteurs et ceux qui gardaient les troupeaux vinrent pour adorer l’enfant ; et l’ayant vu, ils l’adorèrent soudain avec une grande révérence et joie ; après, ils s’en retournèrent, louant et glorifiant Dieu en tout ce qu’ils avaient vu et ouï.

Comment les rois adorèrent Jésus-Christ.

LIVRE 7 - CHAPITRE 24

La même Mère de Dieu me dit : Ma fille, sachez que quand les trois rois mages vinrent à l’étable pour adorer mon Fils enfant, je savais bien auparavant leur arrivée ; et quand ils entrèrent et adorèrent, mon Fils se réjouit, et de joie il avait lors le visage plus gai. Je me réjouissais grandement d’une joie ineffable et spirituelle, considérant leurs paroles et leurs actions, les conservant et les examinant dans mon cœur.

(1) Quelques théologiens soutiennent que cet enfantement fut sans cette peau, à raison de la pureté.