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Atlas et Persée


extrait du chant 4 des Métamorphoses d’Ovide, 1er siècle après J.-C
traduction de G.T Villenave

Bientôt, entraîné dans le vague des airs, semblable à la nue chargée de pluie, errante au gré des vents, Persée voit audessous de lui la terre, dont le sépare un espace immense. Il vole sur tout l’univers. Trois fois il voit l’Ourse glacée, trois fois il se retrouve près des bras du Cancer. Tantôt il est emporté vers l’Aurore, tantôt aux bords de l’Occident. Déjà Vesper brillait dans les cieux. Le héros craint de se confier à la nuit. Il descend sur les terres de l’Hespérie, dans le palais d’Atlas. Il demande à prendre un repos léger, en attendant que l’étoile du matin appelle l’Aurore, et l’Aurore le retour du Soleil.

Atlas était fils de Japet ; il surpassait par sa taille tous les mortels. Il régnait dans les dernières régions de la terre, sur les mers qui reçoivent dans leur sein les coursiers hors d’haleine et le char enflammé du Soleil. Il possédait de nombreux troupeaux errant dans d’immenses pâturages. Aucun état voisin ne touchait à son empire ; et dans ses jardins, les arbres, à l’or de leurs rameaux, que couvrent des feuilles d’un or léger, portaient des pommes d’or.

« Prince, lui dit Persée, si l’éclat d’une illustre origine peut te toucher, Jupiter est mon père ; ou si tu sais priser les faits mémorables, tu pourras admirer les miens. » Alors le fils de Japet se rappelle cet ancien oracle que Thémis avait rendu sur le Parnasse :
« Atlas, un jour viendra où tes arbres seront dépouillés de leur or ; et c’est à un fils de Jupiter que les destins réservent cette gloire. »

Épouvanté de l’oracle, Atlas avait enfermé ses jardins de hautes murailles ; un dragon monstrueux veillait, gardien de leur enceinte ; et l’entrée de l’Hespérie était interdite aux étrangers :
« Fuis, dit le prince au héros, ou crains de perdre l’honneur de tes exploits supposés, la gloire d’une naissance que tu ne dois point à Jupiter ! »

Il ajoute l’insulte à la menace, et tandis que Persée insiste avec douceur, mais avec fermeté, il s’avance pour le chasser de son palais.

Persée était trop inférieur aux forces d’Atlas, car quel mortel pourrait les égaler !
« Puisque, dit-il, tu, fais si peu de cas de ma prière, reçois le châtiment que tu mérites. »
À ces mots, il détourne à gauche sa tête, élève en l’air celle de Méduse et présente aux regards d’Atlas son visage sanglant. Soudain ce vaste colosse est changé en montagne. Sa barbe et ses cheveux s’élèvent et deviennent des forêts. Ses épaules, ses mains, se convertissent en coteaux. Sa tête est le sommet du mont. Ses os se durcissent en pierre : il s’accroît, devient immense, et, par la volonté des dieux, désormais le ciel et tous les astres reposent sur lui.

Cependant Éole avait renfermé les vents dans leur prison éternelle. L’étoile brillante du matin, déjà levée dans les cieux, avertissait les humains de recommencer leurs travaux. Persée reprend ses ailes, les attache à ses pieds, s’arme d’un fer recourbé, et s’élance dans les airs, qu’il frappe et fend d’un vol rapide. Il a déjà laissé derrière lui d’innombrables contrées et cent peuples divers, lorsqu’il abaisse ses regards sur les champs d’Éthiopie, sur les états où règne Céphée.

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