hercule-et-les-pygmees

Description d’Hercule endormi assailli par les Pygmées

extrait de Les Images de Philostrate de Lemnos (IIIe siècle)
traduit par Blaise de Vigenère (1523-1596)

Hercule s’étant endormi en Lybie après avoir vaincu Anteus, est assailli par les Pygmées ; allegant de vouloir venger celui ci, dont quelques uns des plus nobles et anciennes maisons sont les propres frères germains. Non toutefois si rudes combattant comme il était, ni à lui égaux à la lutte : néanmoins tous enfants de la terre : & au demeurant braves hommes de leur personne. Or à mesure qu’ils s’en jettent dehors, le sablon bouillonne et frémis en la face de celle ci : car les Pygmées y habitent aussi bien comme les fourmi : & y serrent provisions & victuailles : sans aller écornifler les tables d’autrui : ainsi vivent de leur propre, & ce qui prouvent du labeur de leurs mains : parce qu’il sèment et qu’ils moissonnent, & ont des chariots attellée à la Pygméienne. On dit aussi qu’ils s’aident des cognées pour abattre le blé : estimant des épis que ce soit quelque haute futaie. Mais quelle outrecuidance à ceux-çi (je vous pris) de se vouloir attacher à Hercule, lequel ils mettront à mort en dormant comme ils disent : & quand bien il serait éveillé, ne le redouteront-ils pas pour cela. Lui cependant prends son repos sur le délié sablon étant encore tout las et rompus du travail de la lutte. Et souffle à puissance, abondamment rempli de sommeil, lequel tout brave et orgueilleux est planté devant lui en semblance humaine, faisant (à mon opinion) un grand cas de l’avoir ainsi accablé. Antée git là auprès quant & quant  : mais l‘art du peintre a représenté Hercule qui respire, & est chaud : et l’autre trépassé, tout sec et flétri : le quittant à la terre. Le camp au reste des Pygmées a déjà enclos Hercule : dont ce gros bataillon de gens de pied va charger sa main gauche, & ces deux enseignes d‘élite s‘acheminent vers la droite, la plus puissante : Les Archers & la troupe des tireurs de fond assiègent les pieds : tout ébahi que la jambe soit aussi grande. Mais ceux qui combattent la tête, parmi lesquels est le roi en bataille, pour ce qu’elle semble le plus fort endroit de tout Hercule, traînent là leurs machines & engins de batteries ; comme si ce devait être la citadelle, où ils lancent des feux artificiels à sa chevelure : lui présentent leurs farsouette tout droit aux yeux : baclent et estoupent sa bouche d’un grand huys jetés au devant ; & ses naseaux de deux demis-portes, afin que la tête étant prise il ne puisse plus avoir son haleine. C’est ce qu’ils font autour du dormeur. Mais le voilà qui se redresse, & éclate de rire au beau milieu de ce danger. Car Empiognant tout ces vaillants champions, Il vous les serre & amoncelle dans sa peau de lion ; & les emporte (comme je crois) à Eurythée.