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Beauté Céleste

extrait de l’adaptation française de L’iconologia de Cesare Ripa (1555-1622),
publié en 1643 par Jean Baudoin (1590?-1650)

Elle n’est pas moins difficile de la peindre que de la regarder, sans être éblouis des rayons qui l’environnent. Et bien qu’elle n’écoute pas volontiers les louanges que lui donne la Renommé, qui n’en peut parler assez dignement, l’une & l’autre néanmoins ont la tête enveloppée d’un nuage. Elle tient au reste un lys d’une main, & de l’autre un Compas & une boule.

Elle cache sa tête dans les nuées, pour ce qu’il n’est rien de si obscur à l’esprit humain, n’y rien de quoi la langue des hommes puisse parler plus difficillement que de la Beauté. Que s’il la faut définir par Métaphore ; Elle n’est autre chose, selon les Platoniciens q’une lumière resplendissante, la source de laquelle est la face de Dieu. Car la première de toutes les Beautés n’est qu’une même chose avec lui : Tellement que si les mortels se hasardent d’en parler, tout ce qu’il en disent, ils le tiennent de la grâce particulière, & de la profonde sapience, qui leur communique l’idée. Mais comme ceux qui se regardent dans un Miroir, n’en sont pas plutôt éloignez, qu’ils perdent souvenir de ce qu’ils ont vu ; Ainsi tant que nous ne considérons la Beauté que dans les choses mortelles, nous ne pouvons pas nous effleurer hautement à la contemplation de cette pure & simple clarté, d’où procèdent tout les autres lumières.

Rien ne se voit en aucun lieu,
Qui ne soit formé d’une Idée,
Qu’engendre l’amour du grand Dieu
Par qui la Raison est guidée.
Dant. Part 2.

Le Lys fleurissant qu’elle mêle parmi les rayons, signifie une égale correspondance de lineamens & de couleur ; ce qui nous est encore démontré par le Compas & le Globe qu’elle tient de l’autre main. Car la vrai Beauté, de quelque nature qu’elle soit, a ses proportions & ses mesures, qui s’ajustent au temps & au lieu. Comme par exemple, le lieu détermine la Beauté en la dispositions des Provincesn des Villes, des Temples, des Places, de l’Homme, & généralement de toutes les choses qui sont sujettes à l‘œil, ou qui lui plaisent en quelque sorte ; soit par l’agréable mélange des couleurs, & des ombrages qui les rehaussent. Le Temps tout de même réglant comme il faut les tons, les mesures & les cadences, en forme une douce harmonie, qui fait que ces choses & autres semblables étant bien ajustées plaisent à merveilles, & sont à bon droit appelées Belles. Davantafe, comme par la subtilité de son odeur, le Lys chatouille les sens, & réveille les esprits ; La Beauté demême incite les cœurs à aimer les choses qui tiennent de sa nature, & qui sont aimables d’elles mêmes.